samedi 5 novembre 2011

Korékro 57 #1

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Février 57, fin de notre voyage sur le Brazza. A la terrasse de l'Hôtel du Parc au Plateau, quartier central d'Abidjan, Jean P. ami de mes parents, nous a fait découvrir à Isabelle, 2 ans et demi et moi, cinq ans, le lait fraise avec une paille. Nouveau goût, nouvel environnement et puis demain nous prenons la route pour rejoindre notre père.

Assises à l'arrière de la 2CV camionnette sur nos cantines, nous avons bien supporté les 350 kilomètres de routes et pistes : nous étions si jeunes. Pour l'instant, ma principale préoccupation est de retrouver mon père que je n'ai pas vu depuis presque trois ans. Sous une apparence très sage et calme, j'ai l'esprit troublé : vais-je le reconnaître ? Comment vais-je faire avec cet homme que l'on me dit être mon papa ? Lorsque la 2CV, après avoir quitté le chemin qui montait à la plantation, s'est arrêté sur le terrain jaune de soleil et de chaleur, face à une longue maison, une silhouette maigre et habillée de couleurs claires s'est avancée et lorsque les deux portes arrières se sont ouvertes, j'ai couru vers elle... tout naturellement. Dans la grande pièce à vivre, sombre et fraîche, avec appréhension et dans l'attente de sa joie, ma reconnaissance, je lui ai offert un livre très imagé sur des fleurs et des plantes d'Europe que j'avais choisi dans la librairie de ma grand-mère. Il fut peu expansif, comme à son habitude...


A mes yeux d'enfant, la plantation apparût comme un paradis, plutôt vaste où je fus libre de me déplacer seule et de découvrir les caféiers vert sombre, entourant la maison, égayée par les fleurs blanches de deux frangipaniers, de quelques palmiers à huile, d'orangers dont les petits fruits jonchaient le sol - complètement vidés de leur jus par les singes - et parfumée à l'arôme des goyaviers. A l'intérieur, des pièces nues aux fenêtres – de simples ouvertures – que l'on fermait verticalement à l'aide de volets à lames peints en vert très doux, au sol de ciment et aux murs blancs, meublées en bois d'acajou brut.

Mon père F. vivait entouré de quatre chiens de brousse qui répondaient aux noms de Rita, Dora, Kroukrou et Karamo ; trois chats allaient et venaient, sans prendre de place affective. Hors de la maison, il y avait des poules et des pintades, des moutons, des chèvres et leurs cabris, deux cochons Nestor et Aglaé et dans cette arche de Noé, l'amour pour les animaux allait grandir en moi, d'autant plus que mon père allait bientôt me donner, comme compagnon de jeu, un petit singe vert.

Une nouvelle vie commençait, sur cette plantation ; un séjour qui durera presque deux ans et qui représentera à mes yeux, mon enfance africaine.

Texte et image de caroline_8

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