mercredi 21 septembre 2011

Abidjan - Agboville - Dimbokro - Daloa 52

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En juin 1952, ma mère M-A et moi, après un séjour de six mois en France, rejoignons mon père F. basé à Dimbokro, en partance pour Daloa.

C'est en DC4, avion de la TAI (transports aériens intercontinentaux) que nous quittons Paris, en faisant escale à Casablanca (Maroc), à Bamako (Mali), pour Abidjan (Côte d'Ivoire). Voyage sonore et vibrant, pendant lequel j'ai dormi dans un "filet" sorte de petit hamac de voyage que l'on accroche dans les avions ou les trains.


A Abidjan, un collègue de F. de la maison Perinaud (petit propriétaire de comptoirs en AOF), nous amène à la gare et, avec une cantine et un petit bagage, nous prenons un vieux train à plate-forme arrière, aux fenêtres sans vitre, mais grillagées, et M-A, s'assoit sur une banquette de bois, à côté d'un Père Blanc (missionnaire français habillé de blanc).

La nuit tombe rapidement et dans le noir complet, elle apprend qu'il y a eu un déraillement sur la voie, que le train n'ira pas plus loin qu'Agboville et se souvenant que, dans cette ville, il s'y trouve une boutique de la maison Perinaud, elle descend avec la cantine, son bagage et moi à Agboville; nous passons la nuit dans la "chambre de passage" pour reprendre le lendemain, cette fois-ci une micheline.

Une demi-heure après le départ, le train s'arrête: le contrôleur est tombé par la portière... marche arrière pour retrouver le contrôleur bien sonné et de nouveau, marche arrière jusqu'à Agboville. Le contrôleur est amené à l'hôpital; la micheline repart, la nuit tombe et le voyage touche à sa fin; à 5 km de Dimbokro, un choc, le train stoppe: il a écrasé un buffle. Pour s'en dégager, le train avance, recule et avance pour enfin, libéré de son obstacle, repartir et arriver à destination.


J'ai six mois et cela fait six mois, que mes parents ne se sont vus... le voyage, pour les retrouvailles, a duré trois jours. Le lendemain, Papa, Maman et moi prenons la route avec le "pick-up" pour Daloa où nous résiderons trois mois.

Texte et image de caroline_8

mardi 20 septembre 2011

Grand-Bassam 51



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M-A, ma mère et mon frère Paul-Henry, âgé de trois ans, rejoignent mon père F. installé à Abidjan, en Côte d'Ivoire, depuis 1949. Ils embarquent le 10 juin 1950, à Marseille, sur le bananier Tamara de la Compagnie Fabre et Fraissinet.

La traversée dure seize jours, pendant laquelle ce bateau fait escale à Tanger, à Casablanca au Maroc, à Dakar au Sénégal, à Conakry en Guinée et à Sassandra en C.I.
A Sassandra, M-A avec P-H décide de passer la nuit chez un collègue de F. travaillant pour la Maison Perinaud (petit propriétaire de comptoirs en AOF). Seulement voilà, à Sassandra, il n'y a pas de port; il faut emprunter "le panier" afin de descendre dans une grosse barque où des pagayeurs, tout en scandant des chants, amènent la dite-barque à passer "la barre" énorme vague-rouleau qui borde les plages du Golfe de Guinée. Épique... elle avait vingt ans.

Le Tamara débarque ses passagers sur des plates (embarcations à fond plat) à l'embouchure du canal de Vridi, le port d'Abidjan n'étant pas terminé à l'intérieur de la lagune.




Les photos en couleur, des maisons coloniales, ont été prises en avril 1978, lors de mon dernier séjour en Côte d'Ivoire.

Tous les trois s'installent à Grand-Bassam, à l'est d'Abidjan, située entre la mer et la lagune Ebrié. Leur maison a le style classique de l'architecture coloniale et le confort y est sommaire; pièces sans fenêtre, dont les portes donnent sur une véranda fermée par des persiennes de bois s'ouvrant verticalement, afin de garder la fraicheur, la nuit sous la moustiquaire.

Grand-Bassam possède une artère principale: le boulevard Treich Laplène qui longe la plage, bordé de chaque côté de belles maisons et de cocotiers; en son centre, sur des rails roulent des wagonnets qui acheminent la marchandise du "wharf", où elle a débarqué, vers le bâtiment de la douane, où les boutiquiers viendront la chercher.
Dans les faubourgs de G-B, se trouve le village des pêcheurs d'Azuretti avec son cimetière.

C'est dans ce cadre que Maman m'attend jusqu'à ma naissance en décembre 1951... à l'hôpital du Plateau d'Abidjan.


... journée à Grand-Bassam: Maman raconte notre séjour en 1951, moi au creux de son ventre, pas encore au soleil... de la vie. Je sens que je suis ici pour un retour aux sources ; il me faut revenir sur mes pas d'enfant, au pays natal, berceau des premières joies: l'Afrique... avoir envie d'aller au delà, en profondeur; je questionne Maman, je regarde les photos... (Journal du jeudi 13 avril 1978)

Texte et image de caroline_8

lundi 19 septembre 2011

Le pays d'où l'on ne part jamais tout à fait

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-Côte d'Ivoire- Afrique de l'Ouest (1951-1971)

Ma famille a parcouru pendant dix ans ce pays, poussée par la recherche de travail; elle est partie de la région des Lagunes (Abidjan) vers celle du Sud-Comoé (Grand-Bassam), puis celle du Haut-Sassandra (Daloa), enfin celle du N'zi-Comoé (Dimbokro), de nouveau le N'zi-Comoé (sur la plantation et Bocanda) et de retour dans la région des Lagunes.

Stabilisés à Abidjan, nous avons habité différents quartiers: au Plateau, sur la plage de Vridi, au pont F. Houphouët-Boigny, à l'Indénié, au km 3, au bord de la lagune et enfin de nouveau le Plateau.

Dans ma petite enfance, j'ai connu la liberté de vivre en brousse, pleine de couleurs humides, d'odeurs fortes et de bruits étranges avec des animaux divers et variés, je ne suis allée à l'école qu'à l'âge de dix ans. Il s'est écoulé encore dix ans jusqu'à ce que munie d'un diplôme, je rentre, seule en France, poursuivre mes études.

Encore maintenant, j'ai envie et besoin de dire: - Je suis née en Afrique... - en déclinant, avec fierté, mon identité.

Texte et image de caroline_8

dimanche 18 septembre 2011

Avoir dans une cabane, des rêves d'humanité

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Si la cabane de l'enfance est le refuge, le petit coin bien à soi, c'est l'image même de l'endroit où l'on peut être soi ou autre selon; autant la cabane de l'adulte peut nous ramener à une triste réalité, celle de l'urgence de se protéger, c'est la cabane de la vie, voir la cabane de la (sur)vie. De tout temps, après une guerre, lors d'un crash boursier, d'un cataclysme ou d'une vie de pauvreté, des hommes se construisent des cabanes au cœur de la nature, à la périphérie des villes ou en plein quartier urbain ; des cabanes provisoires, mais qui durent parfois très longtemps.


Et puis, il y a la cabane investie dans un endroit peu destiné à être une habitation. Ce type de logement peut découlé d'un choix de vivre autrement, en marge de la société, bohème et compagnie ; il dénonce une préférence et donc un luxe. Mais le lieu, qui au départ n'est pas une maison, peut être installé comme telle dans l'urgence ou l'inexistence d'une dite maison, par des personnes pauvres, sans ressource autre que la débrouille. L'habitation peut être mobile comme la roulotte, la caravane ou la péniche. Ce sont les maisons nomades qui voyagent.





Le logis peut s'immobiliser pour toujours comme un fuselage d'avion, une quille de bateau retourné ou un bus. Le voyage n'est plus qu'un souvenir, il est accompli et les passagers, dès lors, sont bien à l'abri.





Dans certains pays, on pratique même le déplacement de maisons par voie d'eau, voie ferrée ou routière. Ce sont des maisons qui en changeant de lieu, sont amenées à voyager et ensuite à replanter leurs fondations dans une nouvelle terre.





D'après le dictionnaire des synonymes de la langue française de Pierre Benjamin Lafaye -1861-:
(... ) La maisonnette, la chaumière, la cabane, la hutte, la cahutte, la baraque et la bicoque sont de petites maisons.
La chaumière et la cabane sont des maisons de village, de méchantes maisons. Mais la cabane est encore pire que la chaumière. Dans les chaumières, on trouve sans doute des hommes peu fortunés, qui mènent une vie laborieuse; dans les cabanes, on ne trouve qu'indigence: c'est proprement la maison du pauvre. La cabane se conçoit nécessairement comme misérable.
Les huttes sont plutôt des cabanes de sauvages ou de soldats grossiers, qui ignorent l'art de bâtir; et les cahutes, des cabanes de pauvres paysans ou de pauvres bergers, répandus dans la campagne ou dans les bois. (... )


Les nœuds sacrés de la vraie amitié se forment bien plus facilement sous un humble toit et dans les cabanes des bergers que dans les palais des rois. (L'Arioste)

Texte de caroline_8 inspiré par les photos de TopFoto Gallery

samedi 17 septembre 2011

Je peindrai tes yeux lorsque je connaîtrai ton âme

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-J'ai souri et, par-delà mon visage, tu as revu les traits de ces madones que tu contemplais si longuement aux Offices et au palais Pitti, ou dans les églises de Florence. Tu avais dix-huit ans, tu étudiais la peinture à l'Accademia di Belle Arti. Tous les après-midi, tu revenais. Tu t'asseyais et tu copiais. A Venise, l'année suivante, ce fut le même éblouissement. Après avoir découvert les madones siennoises du XIVe et du XVIe, les nymphes de Botticelli ou les vénus de Giorgione et du Titien, jamais, plus jamais, m'as-tu dit, tu n'as peint ni dessiné de la même façon- (Texte de France Huser)

Amedeo Modigliani fait le portrait d'une jeune fille de dix-neuf ans, un portrait daté et signé du 31 décembre 1916. Elle s'appelle Jeanne Hébuterne. -Sur le portrait que tu viens d'achever, tu n'as pas dessiné la pupille ni l'iris. Tu as recouvert seulement mes yeux d'une transparence bleue: je ne regarde pas, j'écoute ta ferveur- (Texte de France Huser)



6 octobre 1919: Tu me demandes d'incliner le cou aussi. Sur la toile, tu le dessines plus élancé encore. Mon visage paraît parfois presque suppliant. -Le bonheur est un ange au visage grave- dit Modigliani. Il n'exprime pas la douleur. Peut être la mélancolie (...) Tu préfères que je sois habillée de tons étouffés (...) Un rouge sourd, un jaune orangé (...) Derrière moi, le fond est simplifié, tout est effacé. A droite, dans le portrait au chandail jaune, tu as pourtant peint un meuble (...)
12 octobre 1919: Tu m'as peinte avec un grand chapeau, portant un collier, en chemise, coiffée d'un chignon, les cheveux dénoués (...)

26 novembre 1919: Tu as décidé que je poserai devant la porte (...) A l'instant, je viens à nouveau de regarder la porte: je voudrais l'ouvrir et sortir. Non pas m'enfuir, mais partir avec toi.

3 décembre 1919: (...) je dois copier les portraits qu'il a fait de moi. C'est peut-être pour cette raison que, parfois, je ne sais plus qui je suis: moi-même ou la femme du portrait?

8 décembre 1919: Quand il commence à me peindre, il me semble que je vais enfin savoir qui je suis. Et surtout pourquoi j'accepte tout de lui et la vie qui est la nôtre.
10 décembre 1919: J'ai posé devant la porte rouge. Je porte un châle d'un rouge plus vif. Du rouge encore court sur les murs. Au centre de l'incendie je suis une flamme. (Texte de France Huser)



Elle s'appelle Jeanne Hébuterne et elle est le modèle d'Amedeo Modigliani; souvent assise, les bras tendus sur ses genoux, la paume des mains offerte au regard, le cou légèrement incliné, - ... le mouvement si souple, abandonné de son corps montrait sa soumission. Elle acceptait, elle était là.-

vendredi 16 septembre 2011

Un safari au pays de Karen et Denys

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Denys incarnait tout ce qu'elle recherchait chez un homme, (...) mais aussi un compagnon avec qui partager sa passion grandissante de l'Afrique. Comme elle, il fuyait l'ordinaire pour l'extraordinaire, avec un tel être, tout pouvait arriver à chaque instant.




Lorsque Denys lui proposa de l'accompagner en safari, elle n'hésita pas un seul instant. Ils partirent du 5 au 19 mars 1919, autant pour chasser que pour se découvrir (...) Elle raffolait véritablement de ces excursions en pleine brousse (...) L'observation des animaux sauvages les passionnait autant l'un que l'autre et Finch Hatton, l'un des pionniers du safari-photo, prenait de nombreux clichés tandis que Karen engrangeait des impressions qui nourriraient plus tard son œuvre.

Enfin, le soir, ils dînaient au coin du feu et devisaient une partie de la nuit. Denys avait une très haute idée de la manière dont devait se dérouler un safari, tout devait être absolument parfait, (...) Ses campements, (...) comprenaient même une tente dotée d'une baignoire afin de pouvoir prendre un bain avant de passer à table... (K.B. Une odyssée africaine de Jean-Noël Liaut)




-Je roulais avec Denys Finch Hatton et Kanuthya, son chauffeur kikuyu, le long d'une très mauvaise route, dans la réserve des Masaïs (...) Il se peut que la chasse soit toujours une histoire d'amour. Le chasseur est épris du gibier qu'il chasse (...) De nos jours bien des chasseurs chassent à l'aide de la caméra. Cet usage commença à se répandre quand j'étais encore en Afrique. Denys dirigea de grands safaris de millionnaires, venus de tous les pays, et qui rentrèrent chez eux avec des photos d'animaux (...) Cette manière d'entrer en contact avec les bêtes sauvages est plus raffinée que la chasse au fusil et exige plus d'intelligence (...) l'atmosphère de ces émouvantes rencontres. Je ne connais guère les procédés de cet art nouveau. J'ai été un assez bon fusil, mais je ne sais pas faire de photographies. Au début de mon séjour en Afrique, je n'avais ni cesse ni repos avant de posséder un beau spécimen de chaque espèce de gibier. Mais pendant les dix dernières années, je ne tirai pas un seul coup de fusil qui ne fût destiné à la nourriture de mes gens. la chasse dans le seul but de vivre quelques heures de fiévreuse excitation, me paraissait déraisonnable, voire laide et vulgaire. Mais je ne résistais pas à ma passion pour la chasse au lion et j'ai tué mon dernier lion très peu de temps avant de quitter l'Afrique- (Ombres sur la prairie de Karen Blixen)



Aujourd'hui, il est difficile de comprendre la cruelle innocence avec laquelle les classes supérieures partaient en safari et massacraient la faune sans le moindre remord. (K.B. Un conflit personnel irrésolu de Ole Wivel)

Les photographies de Karen Blixen et de Denys Finch Hatton sont tirées du livre -Karen Blixen, un conflit personnel irrésolu- de Ole Wivel aux Editions Actes Sud. Et surtout, n'hésitez pas à cliquer dessus, elles témoignent bien de cette époque.

mercredi 14 septembre 2011

La maison sous le vent et à l’ombre de la véranda

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La maison coloniale, étant placée sous le signe du soleil, doit se protéger de la chaleur, liée à une forte humidité, tout en s'ouvrant à l'air qui rafraîchit et purifie. L'origine de la maison coloniale est le bungalow, maison basse construite sur un soubassement, entourée d'une galerie et coiffée d'un haut toit à quatre pentes, type d'habitation sur les côtes du Bengale.


photo de l'Indochine coloniale -1926

Les pièces sont disposées en enfilade, leurs ouvertures se font face donnant parfois sur un corridor central ouvert aux deux extrémités, ce qui favorise la ventilation. Les fenêtres, dépourvues de vitres, sont habillées de fins grillages –qui font barrière aux moustiques- et de persiennes –équipées parfois de lames orientables- Les murs des cuisines sont ajourés de dalles de pierre ajourée appelées claustras, laissant passer la lumière et l'air et protégeant des intrusions. Outre ces différents systèmes d'aération, des ventilateurs brassent l'air. Le choix du sol, dans la recherche de la fraîcheur, est important ; le plus simple est celui de la terre battue recouvert de nattes de paille tressée, puis vient le plancher de bois exotique mais les carreaux de ciment, teintés dans la masse, s'avèrent plus conformes avec l'avantage de pouvoir être lavés à grande eau quotidiennement, abaissant la température de l'air, le temps de l'évaporation. Le revêtement des murs est un enduit blanc, badigeon de chaux, parfois teinté de pigments naturels.



Vintage Postcards

La véranda incarne toute la séduction de la maison coloniale. Elle fait office de porche, accueille les invités. C'est le lieu du repos et des occupations paisibles comme la lecture, les travaux d'aiguille et l'aquarelle, le rituel du thé et de l'apéritif. Née aux Indes avec le bungalow, la véranda varie, une simple galerie de bois aux planches disjointes, un vaste espace aux piliers de ciment moulurés. En 1900-1940, la véranda est une pièce fraîche ouverte sur le jardin ; elle présente un rempart contre les rayons meurtriers du soleil et le déluge de la saison des pluies, tout en laissant circuler le moindre souffle d'air. Le soir, pour se protéger des insectes, elle se ferme par des stores de toile, de bambou ou de nattes tressées.



CLIC sur l'enfance de Marguerite Duras dans la véranda en 1920, à Phnom Penh, Indochine (source -Les Cahiers du Cinéma- Juin 1980)

Dans la véranda, on y installe un mobilier léger, en fer garni de lattes de bois de teck, en rotin ou en bambou ; on y trouve la chaise de planteur, réalisé en acajou, ce fauteuil est entièrement canné avec des accotoirs allongés, le rocking-chair et le hamac. –Sous la véranda de notre demeure, nous tendions des hamacs d'aloès, et là nous passions de longues heures à rêver ou à dormir- Pierre Loti


Les malles dans la longue véranda du bungalow en 1930, à Dishergarh, Indes.

(... ) Forestry House, une vraie maison en bois à étages, recouverte d'un toit de feuilles que mon père va s'employer à construire avec le plus grand soin. (... ) C'est à Bamenda que mon père emmène ma mère après leur mariage, et Forestry House est leur première maison. Ils installent leurs meubles, les seuls meubles qu'ils ont jamais achetés et qu'ils emporteront avec eux partout : des tables, des fauteuils taillés dans des troncs d'iroko, décorés de sculptures traditionnelles des hauts plateaux de l'Ouest camerounais, léopards, singes, antilopes. La photo que mon père prend de leur salon, à Forestry House, montre un décor très colonial : au dessus du manteau de la cheminée (il fait froid à Bamenda en hiver) est accroché un grand bouclier en peau d'hippopotame, assorti de deux lances croisées. (... ) Pour moi, ces objets, ces bois sculptés et ces masques accrochés aux murs n'étaient pas du tout exotiques. Ils étaient ma part africaine, ils prolongeaient ma vie et, d'une certaine façon, ils l'expliquaient. -L'africain- de J.M.G. Le Clézio Ed. Mercure de France

Texte inspiré de -Style colonial- de Jérome Coignard Ed. Le Chêne.

mardi 13 septembre 2011

Atmosphère du film noir des années 40

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Le film noir possède une identité visuelle: l'éclairage est fortement contrasté et laisse de larges pans de l'écran dans l'obscurité, les scènes nocturnes y sont nombreuses, le décor est souvent urbain, les espaces sont alors restreints. Le film noir met en scène des personnages complexes et ambigus. -Le faucon maltais- de J.Huston (1941) -Le facteur sonne toujours deux fois- de T.Garnett (1946) -Le troisième homme- de C.Reed (1949)


Sun in an empty room 1963 - Edward Hopper (1882-1967)

Le peintre a largement utilisé cette identité (celle du film noir); sa peinture reflète la vie américaine sur laquelle nous portons un regard plus que curieux, nous entrons dans l'intimité des personnages en les observant sans être vu. Son style de composition se distingue par des formes géométriques simples et volumineuses, des aplats massifs de couleurs étayés par des lignes verticales, horizontales ou diagonales. Le peintre a recourt à la technique du clair obscur pour construire son décor, mais un sentiment de solitude désespérée, d'indifférence ennuyée et de lassitude acceptée habite ses personnages.


Room by the sea 1951 -Edward Hopper (1882-1967)

Vides sont les pièces, vides sont les regards...

lundi 12 septembre 2011

D'une certaine chambre à soi

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Il fut un temps où je possédais dans une pièce dite chambre, un bureau... un espace propre à l'écriture. Après la chambre de bonne dans le IIe arrondissement lors de mes études d'Art, après le studio dans le XIVe arrondissement lorsque j'exerçais l'enseignement du dessin et de la vannerie dans des établissements parisiens, je vivais un grand bouleversement dans ma vie. C'était dans les années 80, je dus travailler alors dans une très grande et belle boutique du Forum des Halles-Paris Ier et j'habitais un deux-pièces dans le XVIIIe arrondissement .

J'avais bien sûr lu, dans les années féministes et lorsque je côtoyais mes amies enseignantes, le fameux livre –Une chambre à soi- de Virginia Woolf. Je l'avais cette pièce dans laquelle, en plus d'un lit et d'une armoire, j'y avais installé un coin atelier avec chevalet et matériel de peinture et à l'opposé, près de la fenêtre sur cour, le bureau avec sa lampe d'architecte rouge, sa chaise grillagée rouge de chez Habitat (j'étais design-addict ... je travaillais dans la décoration) J'aurais pu m'y mettre... à cette création tant souhaitée et attendue. J'écrivais bien en 1977:
-De nouveau, se pose le problème de la créativité. Je vis, mais je ne crée pas. Les jours s'écoulent mais il n'en reste rien. J'ai une maison agréable, un travail qui me plait. Deux éléments qui me paraissaient importants, il y a deux ans. J'ai créé mon intérieur, les cours de dessin me permettent de survivre, mais j'ai besoin de produire autrement. Je n'arrive pas à localiser cet autrement: est-ce la peinture ou l'écriture. Les deux à la fois peut-être. Trouver le lien. Que la peinture et l'écriture se mêlent indistinctement sur la surface blanche. Et la grande question: suis-je capable de cette création?- (journal d'avril 1977)

Et bien non, seule à écouter du Barbra Streisand et du Lavilliers, je rêvais ma vie d'artiste... J'étais dans l'attente. C'était pourtant le moment pour moi, c'étaient de bons moment avec moi, seule dans ma chambre... Sans m'en rendre compte, j'ai mis de côté l'écrit et le papier, le pinceau et les couleurs. Ce sont écoulées quatre années consacrées à mon travail assez prenant, aux sorties dites parisiennes, aux nouveaux amis et à de petits voyages aux Baléares et à Venise, que mon salaire me permettait de faire. Je ne réfléchissais plus, je ne m'analysais plus. Je n'étais plus devant une porte fermée, je suis entrée dans la vie, dans ma vie. Je l'ai prise dans mes bras pour ne plus la lâcher.

J'allais bientôt pousser une autre porte, la troisième... J'étais encore loin de la cabane de l'écriture.

Texte de caroline_8 et photo de Virginia Woolf