dimanche 11 septembre 2011

Sur le canapé rouge de l'atelier

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Ce canapé drapé d'étoffe rouge se trouve, au centre de l'atelier, sous la verrière traversée par les doux rayons d'un soleil d'automne. L'atelier parisien, où toutes deux se retrouvent une fois dans la semaine pour y travailler, accueille des artistes masculins, les autres jours. Le lundi, tôt le matin, elles se retrouvent devant la grille de fer noir et glacé, traversent la cour pavée, retirent la grosse clé cachée dans la jarre de terre cuite et ouvrent le lieu, tant désiré ces dernières heures. Leurs premiers gestes est d'alimenter le poêle, à l'aide de bûchettes empilées dans une énorme caisse, d'y poser sur le dessus la bouilloire de métal et d'ouvrir d'un coup sec, les lourds rideaux de velours gris poussière, pour découvrir la haute verrière ; la lumière inonde alors ce lieu à l'odeur de térébenthine.

La journée peut commencer. Avec gourmandise, elles choisissent leurs pinceaux, étalent sur leur palette des noisettes de couleurs. Devant leur toile bistre et nue, à peine effleurée par la pointe d'un crayon, elles boivent à petites gorgées, le thé parfumé d'un pays lointain, avec cet air complice de –Comme c'est bon et la journée sera belle- Celle-ci se déroule dans le calme de leur travail respectif.

La plus jeune compose des bouquets de fleurs impétueuses et sauvages, comme l'est sa chevelure ; ses fleurs rebelles semblent vouloir s'échapper de la surface tendue et agrafée sur le cadre de bois. Elle rêve de promenades au jardin, dans les allées de gravier bordées de magnolias roses au cœur desquels, de grands fauteuils de rotin seraient en attente de confidences.

L'autre, la brune plus mature et posée, trace sur sa toile, des lignes qui se coupent et se recoupent, écrase la pâte ocre, brune, carminée et voilà que s'ouvrent des portes, sur des couloirs et d'autres pièces, vers des escaliers et des greniers; elle qui cherche depuis toujours des réponses, la voilà sur le seuil de son désir d'une maison où elle serait bien à l'abri, loin des obligations et du devoir.

Leur travail, mais peut-on encore l'appeler ainsi, est entrecoupé de pauses où leurs conversations animent alors cet espace dédié au partage. Et ces pauses bourdonnantes de leurs bavardages sont accueillies par ce fameux canapé rouge, seule tâche au milieu de ces gris et bruns, fer et bois, froid et brut, d'un rouge amical et intime. Elles peuvent à loisir converser sur leur art, avec les mots des poètes et par petites touches de couleurs, se créer leur vie d'artistes et d'amies. Du temps, rien que pour elles, sur le canapé rouge.

Texte de caroline_8

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