mercredi 14 septembre 2011

La maison sous le vent et à l’ombre de la véranda

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La maison coloniale, étant placée sous le signe du soleil, doit se protéger de la chaleur, liée à une forte humidité, tout en s'ouvrant à l'air qui rafraîchit et purifie. L'origine de la maison coloniale est le bungalow, maison basse construite sur un soubassement, entourée d'une galerie et coiffée d'un haut toit à quatre pentes, type d'habitation sur les côtes du Bengale.


photo de l'Indochine coloniale -1926

Les pièces sont disposées en enfilade, leurs ouvertures se font face donnant parfois sur un corridor central ouvert aux deux extrémités, ce qui favorise la ventilation. Les fenêtres, dépourvues de vitres, sont habillées de fins grillages –qui font barrière aux moustiques- et de persiennes –équipées parfois de lames orientables- Les murs des cuisines sont ajourés de dalles de pierre ajourée appelées claustras, laissant passer la lumière et l'air et protégeant des intrusions. Outre ces différents systèmes d'aération, des ventilateurs brassent l'air. Le choix du sol, dans la recherche de la fraîcheur, est important ; le plus simple est celui de la terre battue recouvert de nattes de paille tressée, puis vient le plancher de bois exotique mais les carreaux de ciment, teintés dans la masse, s'avèrent plus conformes avec l'avantage de pouvoir être lavés à grande eau quotidiennement, abaissant la température de l'air, le temps de l'évaporation. Le revêtement des murs est un enduit blanc, badigeon de chaux, parfois teinté de pigments naturels.



Vintage Postcards

La véranda incarne toute la séduction de la maison coloniale. Elle fait office de porche, accueille les invités. C'est le lieu du repos et des occupations paisibles comme la lecture, les travaux d'aiguille et l'aquarelle, le rituel du thé et de l'apéritif. Née aux Indes avec le bungalow, la véranda varie, une simple galerie de bois aux planches disjointes, un vaste espace aux piliers de ciment moulurés. En 1900-1940, la véranda est une pièce fraîche ouverte sur le jardin ; elle présente un rempart contre les rayons meurtriers du soleil et le déluge de la saison des pluies, tout en laissant circuler le moindre souffle d'air. Le soir, pour se protéger des insectes, elle se ferme par des stores de toile, de bambou ou de nattes tressées.



CLIC sur l'enfance de Marguerite Duras dans la véranda en 1920, à Phnom Penh, Indochine (source -Les Cahiers du Cinéma- Juin 1980)

Dans la véranda, on y installe un mobilier léger, en fer garni de lattes de bois de teck, en rotin ou en bambou ; on y trouve la chaise de planteur, réalisé en acajou, ce fauteuil est entièrement canné avec des accotoirs allongés, le rocking-chair et le hamac. –Sous la véranda de notre demeure, nous tendions des hamacs d'aloès, et là nous passions de longues heures à rêver ou à dormir- Pierre Loti


Les malles dans la longue véranda du bungalow en 1930, à Dishergarh, Indes.

(... ) Forestry House, une vraie maison en bois à étages, recouverte d'un toit de feuilles que mon père va s'employer à construire avec le plus grand soin. (... ) C'est à Bamenda que mon père emmène ma mère après leur mariage, et Forestry House est leur première maison. Ils installent leurs meubles, les seuls meubles qu'ils ont jamais achetés et qu'ils emporteront avec eux partout : des tables, des fauteuils taillés dans des troncs d'iroko, décorés de sculptures traditionnelles des hauts plateaux de l'Ouest camerounais, léopards, singes, antilopes. La photo que mon père prend de leur salon, à Forestry House, montre un décor très colonial : au dessus du manteau de la cheminée (il fait froid à Bamenda en hiver) est accroché un grand bouclier en peau d'hippopotame, assorti de deux lances croisées. (... ) Pour moi, ces objets, ces bois sculptés et ces masques accrochés aux murs n'étaient pas du tout exotiques. Ils étaient ma part africaine, ils prolongeaient ma vie et, d'une certaine façon, ils l'expliquaient. -L'africain- de J.M.G. Le Clézio Ed. Mercure de France

Texte inspiré de -Style colonial- de Jérome Coignard Ed. Le Chêne.

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