samedi 8 octobre 2011

Paris 54-55

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Ma mère, mon frère P-H et moi, avons quitté la plantation Korékro, récemment acquise en plein pays Baoulé, la Côte d'ivoire où je suis née, l'Afrique où mon père F. tente d'installer et de faire vivre sa famille qui va bientôt s'agrandir... Il est préférable pour M-A, ma mère, d'accoucher en France.


Paris, fin de cet hiver 54 rigoureux où l'Abbé Pierre, par son appel, soulève en France une -insurrection de la bonté- Nous logeons chez Mame, notre grand-mère paternelle qui tient une petite librairie, avenue de Breteuil, à Paris VIIe . Mame s'installe à l'arrière de la librairie et nous laisse le petit deux-pièces, au dessus.

Je suis une vraie sauvage, j'ai 2 ans et demi... Je découvre entre autre, l'électricité et déclenche la lumière en appuyant inlassablement sur l'interrupteur; le médecin explique mon comportement perturbé, par ce changement trop rapide, entre deux mondes radicalement différents, pour un enfant de cet âge... Très vite, c'est l'arrivée de notre petite sœur Isabelle. La famille est créée, mais un peu bancale... Nous ne verrons pas notre père pendant deux ans et demi.

J'ai quelques bons souvenirs de cette période: j'ai une grande famille, deux grand-mères, des oncles, des tantes; je joue dans les belles allées de l'avenue de Breteuil, du Champs de Mars, des Invalides; mon intérêt pour le papier, les crayons, les livres et les étagères pleines de découvertes à faire datent de là, dans la librairie... Mais ce sera une autre histoire.

P-H est en pension, Isabelle encore bébé, est confiée à Mamoune, ma grand-mère maternelle et moi, j'accompagne ma mère, monitrice dans une colonie de vacances, près de Coulommiers en Seine et Marne où j'apprends à chanter: ... ne m'oubliez pas, petit chemin de mousse, ne m'oubliez pas fleurs bleues du petit bois, ne m'oubliez pas chemin des ombres douces... et puis, en tant qu'institutrice dans une maternelle à Marly-le-Roi, en Ile de France, là j'apprends les lettres, les chiffres, les coloriages, mais aussi le froid et la solitude dans cette grande maison où l'école nous a logées. C'est sûr, même si je suis très proche de Maman, mon frère et ma sœur me manquent... et l'image que je me suis faite de Papa, est idéalisée, grandie par l'absence, la distance et le temps qui nous séparent... de quand les affaires iront mieux...

Un jour, M-A décidera de repartir là-bas, le rejoindre et ce sera un grand voyage, avec beaucoup d'émotions... Je vais revoir mon père, la plantation et là, ce sont mes propres souvenirs; je suis grande, j'ai 5 ans.

Texte et image de caroline_8

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